
Les Titans Déchus de la Finance : Jérôme Kerviel
L’ascension et la chute de Jérôme Kerviel : de trader prodige à auteur d’un des plus grands scandales financiers, découvrez comment il a "tout perdu".
Jérôme Kerviel, né le 11 janvier 1977 à Pont-l’Abbé (Finistère), a connu en moins de dix ans une ascension fulgurante au sein de la Société Générale, avant de devenir le symbole d’une des plus lourdes pertes bancaires de l’histoire : 4,9 milliards d’euros en 2008. De chargé de middle-office à lead trader du desk “Delta One”, son parcours illustre à la fois l’attrait de la finance de pointe et les dangers d’un contrôle interne défaillant. Cet article retrace son itinéraire sans parti pris, de ses débuts modestes jusqu’à sa condamnation et sa chute médiatique.
1. Jeunesse et formation
Origines modestes : Issu d’un bac scientifique, Kerviel n’est pas passé par une grande école de commerce ou d’ingénieurs, mais par l’Université de Rennes I où il suit un DEUG de mathématiques.
Passion pour la finance : Il décroche en 1999 un Master 2 Gestion de Portefeuille et effectue plusieurs stages, notamment au sein de la Société Générale, qui l’embauche en août 2000 (esprit-riche.com).
2. Débuts à la Société Générale (2000–2005)
Middle-office : Jusqu’en 2002, il travaille au middle office, contrôlant le back-office et les procédures, se familiarisant avec le traitement des opérations.
Transition au front office : En 2005, il intègre le desk Delta One à Paris, spécialisé dans l’arbitrage actions-dérivés (swaps, warrants, CFD) (investopedia.com).
3. Ascension et méthodes de trading (2005–2007)
Arbitrage neutre : Kerviel excelle dans les stratégies “delta-neutral”, visant à capter des écarts de prix entre actions et produits dérivés sans exposer la banque au risque de marché.
Prise de positions massives : Profitant de sa connaissance du back-office, il dissimule peu à peu des positions non autorisées, qui atteignent jusqu’à 50 milliards d’euros de notionnel au début 2008 (newyorker.com).
Culture de la performance : Selon certains témoignages, la pression pour générer des profits réguliers a conduit à une complaisance tacite de ses supérieurs, tant que ses opérations étaient rentables.
4. Découverte et pertes record (janvier 2008)
Révélation : Le 21 janvier 2008, la Société Générale annonce avoir décelé des transactions fictives permettant à Kerviel de masquer ses positions.
Liquidation forcée : Pour contenir le risque, la banque clôture en quelques jours l’essentiel des positions, réalisant une perte historiquement élevée de 4,9 milliards d’euros (en.wikipedia.org).
Médiatisation : L’affaire devient un tsunami médiatique, soulevant questions sur le contrôle interne et la responsabilité des banques.
5. Procès et condamnations (2008–2014)
Procès pénal (2010)
Kerviel est jugé pour abus de confiance, faux et usage de faux, intrusion frauduleuse dans le système informatique.
Il est condamné à cinq ans de prison, dont deux fermes, et à reverser 4,9 milliards d’euros à la banque (en.wikipedia.org).
Cour d’appel (2012)
La peine de prison est confirmée, les dommages-intérêts maintenus.
Cour de cassation (2014)
Confirmation de la culpabilité, mais annulation des 4,9 milliards de dommages-intérêts, la Cour estimant que la Société Générale avait également fauté par ses manquements de contrôle (fr.wikipedia.org).
6. Appels récents et réduction des dommages (2021)
Cour d’appel de Versailles (2022) : réduit la somme due à 1 million d’euros, reconnaissant la responsabilité partagée de la banque et la disproportion initiale du montant (lejdd.fr).
Situation pénale : Kerviel a purgé sa peine (2014) avec des sursis et aménagements, et demeure interdit d’exercer tout poste dans le secteur financier.
7. Après-l’affaire : image publique et tentatives de retour
Figure controversée : pour une partie du public, Kerviel est un héros populaire, victime d’un grand groupe, tandis que d’autres le jugent responsable d’une fraude massive.
Actions en justice : il gagne en 2016 un procès pour licenciement abusif, obtenant 450 000 € de dommages-intérêts (politico.eu).
Projets professionnels : Kerviel tente depuis de lancer des activités de formation et de conseil, sans plus pouvoir retrader chez un établissement classique.
8. Analyse : leçons et responsabilités
Contrôle interne : l’affaire met en lumière la faille des procédures de surveillance chez Société Générale, éclipsant en partie la responsabilité personnelle du trader.
Culture du risque : souligne la nécessité d’équilibrer incitation à la performance et gouvernance.
Régulation : conduit à un renforcement des normes Bâle III et des exigences de transparence sur les dérivés.
Conclusion
Le parcours de Jérôme Kerviel, de jeune mathématicien passionné à trader vedette, puis à paria de la finance, reste un cas d’école. Il illustre les dangers d’une prise de risque non maîtrisée, la complexité des dérivés et l’importance vitale du contrôle interne en banque d’investissement.
Envie d’en savoir plus ?
– Lisez sa propre version des faits dans L’Engrenage (Éditions Plon, 2008).
– Consultez la synthèse juridique sur le site de la Société Générale (societegenerale.com).
📚 À retenir : un trader peut générer des profits spectaculaires… ou des pertes colossales. Les mécanismes de contrôle et la culture d’entreprise sont tout aussi déterminants que le talent individuel.
Sources principales
Wikipedia (EN) : Jérôme Kerviel (en.wikipedia.org)
Wikipedia (FR) : procédure en cassation (fr.wikipedia.org)
Société Générale – dossier Kerviel (societegenerale.com)
Le Monde (2008) : itinéraire d’un trader ordinaire (lemonde.fr)
Le JDD (2022) : réduction des dommages (lejdd.fr)